WALLACE COLEMAN: Live from Sao Paulo to Severance (2016)
Né dans le Tennessee, Wallace Coleman émigre plus tard dans l’Ohio et finit par se trouver un job du côté de Cleveland. Pendant de longues années, au boulot, il profite de la pause pour mâchouiller un harmonica. Un beau jour, un de ses collègues bluffé par son style lui ramène un cousin musicien de blues. Cette rencontre fortuite débouche sur un engagement d’un an pour jouer dans un club avec Guitar Slim de Cleveland. Au bout d’une année éreintante (travailler le jour et jouer la nuit), Wallace décroche un poste à plein temps dans le groupe de Robert Jr Lockwood, le seul bluesman à avoir appris directement de Robert Johnson. Il quitte alors le travail qui l’a fait vivre pendant une trentaine d’années pour démarrer une carrière professionnelle à l’âge de… cinquante et un an. Il va ainsi succéder à Sonny Boy Williamson II et à Little Walter, deux harmonicistes légendaires qui ont longtemps collaboré avec Lockwood. Et depuis, il n’a pas cessé de souffler dans son harmonica. L’originalité de cet album réside dans l’alternance de prises réalisées en studio et de morceaux enregistrés en concert. Côté studio, les titres présentés évoluent dans une ambiance sonore évoquant la période Chess. Sur « Tribute To Little Walter », comme l’indique le titre, l’harmonica bluesy de Wallace se taille la part du lion mais laisse quand même la place à un bon solo de piano et à un solo de guitare oscillant entre Charlie Christian et Chuck Berry. Le lent « Mean Old World » et « Mean Red Spider » s’orientent du côté du Chicago blues avec un piano à la Johnnie Johnson (le fameux pianiste de Chuck Berry). Le blues rapide « Bricks In My Pillow » se révèle très efficace et « Rooster Blues » nous fait mieux comprendre comment est né le rock'n’roll. Deux autres morceaux nous renseignent également sur ce sujet : la chanson « Corrina, Corrina » (reprise à la sauce rockabilly par Johnny Carroll en 1956) et « Matchbox Blues » (dont le grand Carl Perkins s’est largement inspiré pour composer son titre « Matchbox »). Tout cela est évidemment excellent mais un artiste s’apprécie surtout en live et là, Wallace Coleman ne déçoit pas davantage. Il a opté pour une section d’accompagnement restreinte (guitare, basse, batterie) quelquefois augmentée d’un pianiste. Avec le rapide « Mojo Hand » et le blues « Southbound Train », Wallace nous prouve qu’il est aussi à l’aise en studio que sur scène. Il reprend aussi « Black, Brown And White » de Big Bill Broonzy (une « protest song » comme il précise au public) et « What’s The Matter With The Mill » de Memphis Minnie, un morceau entre boogie et rock'n’roll. Wallace gratifie également l’assistance d’un slow dans le plus pur esprit fifties (« Seems Like ») et d’un country gospel avec le public qui tape dans les mains (« I Shall Not Be Moved »). Mais la grosse surprise arrive avec « Way Back Home », un instrumental country nostalgique qui pourrait servir de générique de film. Au final, une très belle performance ! L’harmonica de Wallace Coleman va à l’essentiel mais avec une profonde émotion. Cet album puise dans les racines du blues et du rock'n’roll et nous renseigne sur les liens étroits unissant ces deux styles musicaux. Un disque qui fait du bien !
« The blues had a baby and they named it rock'n’roll !” (Muddy Waters).
Olivier Aubry